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A SORE CALAMITY
Dans le pamphlet « Le soliloque du roi Léopold », Mark Twain incarne le roi Léopold II déplorant l’apparition de l’appareil photo « le kodak incorruptible », unique témoin qu’il ne pourrait soudoyer.
Au grand dam du roi, cette nouvelle technologie permettait de témoigner des atrocités qu’il commettait au Congo, en exposant les mensonges présentés par l’intermédiaire de la presse à sa merci. Pour faire face aux images choquantes qui témoignent d’une gestion violente de l’EIC, les équipes qui travaillent pour van Eetvelde et Léopold II vont mettre en place l’une des premières opérations de propagande d’envergure de l’histoire des tyrannies. La photographie devint une véritable arme contre la Congo Reform Association. Un service secret fut créé pour censurer les photographes dénonçant les meurtres, tortures et viols perpétrés par les Belges du Congo et pour en soudoyer d’autres chargés de produire de « bonnes photographies ».
L’hôtel van Eetvelde, avec ses intérieurs somptueux faits de matériaux importés et présentant des références au Congo est un excellent exemple du lien entre le colonialisme et l’Art nouveau. Ce lieu où Edmond van Eetvelde, le « Ministre du Congo », a orchestré la colonisation et l’administration de l’Etat Indépendant du Congo, sert de décor au projet.
Pour cette installation in situ, inspirés par Twain et prenant comme point de départ l’imbrication entre Art nouveau et colonialisme, Max Pinckers et Victoria Gonzalez-Figueras ont réalisé avec un appareil Kodak Brownie du début des années 1900, des photographies, non pas des atrocités coloniales commises
au Congo, mais de lieux de la Région bruxelloise qui ont servi d’espaces de pouvoir durant le règne de Léopold II au Congo, facilitant le développement de l’Art nouveau en Belgique.
Ici, les photographies ne sont plus des armes de l’impérialisme, mais servent de mécanismes pour révéler les fondations de l’exploitation coloniale ancrés dans notre environnement immédiat, nous rappelant le travail qui reste à faire pour affronter notre passé colonial.
SOLILOQUY IN EDMOND’S OFFICE
Cette narration est un extrait du King Leopold’s Soliloquy de Mark Twains qui est diffusé et réenregistré plusieurs fois dans le bureau d’Edmond van Eetvelde, intégrant l’acoustique particulière de la pièce. À l’image de l’œuvre d’art sonore canonique I Am Sitting In A Room (1969) d’Alvin Lucier, l’espace façonne progressivement le son de la voix, déformant le texte original, le rendant inintelligible et remodelant les caractéristiques du soliloque. L’acoustique de la pièce finit par remplacer le discours du narrateur, reflétant les spécificités sonores du bureau situé au deuxième étage de ce bâtiment.